J’ai testé pour la première fois la classe inversée en FLE quand je travaillais à l’Alliance Française de Cuenca, en Équateur. J’ai fait cette expérience dans le cadre de mon mémoire de Master 2. Elle a duré quatre mois au total, de février à mai 2019.
Mise en place de la classe inversée avec quatre groupes de FLE
J’avais des classes de petits niveaux (A1.2 à A2.2), constituées de cinq à onze apprenants. Ils avaient tous quatre heures de français par semaine, mais réparties différemment : 4 heures d’un coup le samedi pour deux des classes, et 2×2 heures par semaine pour les deux autres. L’Alliance Française de Cuenca prévoyait pour tous ces groupes une heure de formation à distance en plus des quatre heures hebdomadaires, sur la plateforme Moodle. J’ai choisi de profiter de cette heure à distance pour pour la classe inversée.
Planifier le programme en y intégrant la classe inversée
Avant le début du cycle, j’ai étalé devant moi les programmes prévus pour les niveaux auxquels j’allais enseigner. J’ai passé du temps à sélectionner les contenus que je voulais passer en classe inversée, c’est-à-dire les points de grammaire et de langue que je souhaitais que les apprenants étudient et préparent chez eux.
Si ça vous intéresse, je vous invite à consulter les programmes que j’avais établis en cliquant ici. La progression de chaque niveau est basée sur les unités pédagogiques du manuel Totem, utilisée à l’AF de Cuenca.
Pour chaque semaine, j’ai veillé à sélectionner les contenus grammaticaux et langagiers les moins difficiles pour les passer hors de la classe. Par exemple, pour les A2.1, j’ai choisi le futur simple, l’impératif des verbes pronominaux, la fréquence, les relatifs qui et que, le comparatif, indiquer un itinéraire, etc.
Créer les contenus
Je préparais les contenus de classe inversée sous forme de parcours pédagogiques, sur la plateforme Moodle. Je le faisais au moins une semaine avant que les élèves y aient accès, en prenant le temps de bien tester mes vidéos et mes exercices.
La création de contenu demande beaucoup de temps, surtout quand il s’agit de vidéos. L’Alliance de Cuenca avait acheté, à ma demande, un abonnement au site Powtoon qui permet de créer des petites vidéos d’animation. Le site est plutôt facile à utiliser, il faut juste avoir une bonne connexion Internet et un ordinateur pas trop vieux pour que tout fonctionne bien. Il existe une version gratuite, avec les fonctionnalités basiques, donc vous pouvez tester le site sans vous engager, si ça vous intéresse.
Dans un prochain article je pourrais vous parler plus en détail de la création des vidéos, et de certaines règles à suivre pour produire un contenu de qualité.
En plus de la création de vidéos, je devais créer des parcours pédagogiques sur la plateforme Moodle. Si vous ne connaissez pas, il s’agit d’un LMS (Learning Managment System) sur lequel on peut créer des séquences avec des exercices, des liens, des devoirs etc., à l’attention des élèves.*
Voici un exemple d’une de mes séquences sur le Moodle de l’AF de Cuenca :

C’était pour mon cours de A1.2. Il y a une section par semaine (sur Moodle, on peut décider du moment où rendre visible une section), et plusieurs sous-modules qui contiennent les exercices. Le petit carré noir indique « H5P », il s’agit d’un petit programme qui me permet d’intégrer une vidéo et des exercices en dessous. Comme ici, sur le site Tout en français : tous les exercices sont créés avec H5P.
Les icônes en forme de pièce de puzzle verte désignent des liens vers d’autres sites et plateformes (Learning Apps par exemple). L’icône représentant une feuille est une production écrite à faire en ligne, que l’enseignant peut corriger directement sur Moodle.
Dans les parcours à distance je n’ai pas proposé uniquement des vidéos, j’ai aussi créé des séquences de classe inversée à partir de documents authentiques écrits, ou de recherches sur un point de langue précis (utilisation du subjonctif pour revendiquer). En général, je préfère les vidéos pour les petits niveaux. Quand on commence à sortir du A2 je recommande de varier les supports, puisque les apprenants de français sont à ce moment-là capables de suivre des instructions plus complexes, et de faire des recherches par eux-mêmes.
*Si vous souhaitez installer Moodle pour votre école mais que vous êtes un peu perdu(e) avec toute la partie technique, je vous recommande les services de Thomas pour l’installation. C’est lui qui a entièrement installé la plateforme de l’Alliance de Cuenca, encore utilisée aujourd’hui.
Déroulement de l’expérience de classe inversée en FLE
Les modalités de suivi
En fonction de la répartition hebdomadaire de mes classes, mes élèves avaient entre 5 et 7 jours pour réaliser les devoirs de classe inversée. Je leur recommandais de ne pas faire tout d’un coup, mais dans l’idéal d’y passer cinq minutes par jour.
Je crois qu’au final aucun apprenant n’a suivi ce conseil ! Le scénario qui se répétait souvent était le suivant : malgré mes rappels, tout le monde attendait la veille pour faire tous les contenus de classe inversée sur la plateforme. Ça avait un avantage : tout était frais dans leur tête pour le cours du lendemain. C’est mieux de procéder ainsi que de faire toute la classe inversée une semaine avant le cours en présentiel, avec le risque d’avoir oublié de quoi ça parlait.
En général, deux jours avant le cours en présentiel j’allais voir sur Moodle qui avait regardé les vidéos et fait les exercices. Je ne vous le cache pas, c’était une minorité ! Et à ce moment-là j’envoyais un message de rappel sur le groupe Whatsapp de la classe. 24h avant le cours, j’envoyais des messages individuels aux retardataires.
Pour des raisons de rigueur méthodique (n’oublions pas que je devais présenter ces données dans mon mémoire), j’ai scrupuleusement rempli des tableaux de suivi individuel, dont voici un exemple :

En ce qui concerne les « notes », il s’agit de la prise de notes dans le cahier, que je vérifiais à chaque début de cours pour cette classe. J’ajoutais une couleur quand quelque chose demandait mon attention (un contenu regardé en retard, ou une absence). Cette classe était constituée d’adolescentes de niveau A2.1 relativement sérieuses, qui ont facilement adhéré au projet.
Les activités en classe
Pour préparer les activités en classe, je faisais attention à 3 choses : vérifier la compréhension du point grammatical ou langagier vu à distance, approfondir ce point, et le réinvestir dans des activités orales ou écrites.
Pour le premier point, je posais en général des questions à mes apprenants à l’oral, ou je leur demandais de venir au tableau schématiser ce qu’ils avaient retenu. J’insistais beaucoup sur les phrases d’exemple. Pour certains groupes, je passais voir les prises de notes dans leurs cahiers, en vérifiant qu’il n’y avait pas d’erreur.
Venait ensuite le moment des questions : j’invitais mes élèves à poser celles qui restaient en suspens. Si cela était possible, ils se répondaient entre eux. Dans les cas où personne ne pouvait deviner la réponse, j’intervenais. Et c’est là qu’on commençait l’approfondissement du point étudié à distance, avec plus d’explications, d’autres exemples, des cas particuliers, etc.
Je terminais en général cette partie d’approfondissement par un test de 10 minutes maximum, non noté, mais qui me permettait de garder une trace de ce que chacun avait compris du point de grammaire.
Pour les activités de réinvestissement, je vais vous donner un exemple avec la classe de A2.1 dont je vous ai donné le tableau de progression un peu plus haut. Après une session de classe inversée sur le comparatif, j’ai choisi d’appliquer ce point de grammaire au thème du logement, puisque c’est ainsi qu’il est présenté dans le manuel Totem 2 que nous utilisions en classe.
J’ai choisi de faire une simulation d’agence immobilière, avec d’un côté des élèves qui incarnaient des agents essayant de vendre des maisons insolites, et de l’autre des personnes cherchant un logement avec des caractéristiques précises. L’objectif des agents immobiliers était de trouver des acheteurs potentiels, en utilisant le comparatif : ils devaient expliquer pourquoi leurs maisons étaient meilleures que celles de leurs concurrents. Celles qui cherchaient un logement devaient, après l’activité, indiquer quelle maison insolite elles avaient choisie, et justifier en utilisant des structures comparatives.
Ce travail oral a été suivi d’une activité de rédaction de petites annonces : chaque apprenante devait indiquer quelle était la maison de l’activité précédente qu’elle avait préférée, et justifier en utilisant le comparatif.
Voilà ! Vous savez maintenant comment j’ai mis en place la classe inversée dans l’Alliance française où je travaillais, et comment je l’ai concrètement utilisée en classe.
Dans un prochain article, je vous parlerai des résultats de cette expérience de classe inversée, avec toutes les données recueillies dans mes questionnaires et les progrès des apprenants. Vous aurez ainsi un retour sur l’opinion des élèves eux-mêmes, ainsi que sur l’efficacité de la classe inversée en tant qu’outil pédagogique.
N’hésitez pas à me contacter pour toute question, ou à discuter de la classe inversée dans les commentaires. Nous sommes là pour échanger !
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